Introduction

L'appel à de nouvelles technologies

Les nouveaux modes de diffusion

Les nouveaux produits du marché des programmes

Conclusion

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Dernière mise à jour :

19/01/00

        Le développement de l’industrie radiophonique et l’appel à de nouvelles technologies

    Les technologies numériques sont utilisées en premier lieu pour augmenter la rentabilité des métiers traditionnels de la radio sans pour autant modifier le résultat de la production : un programme audio diffusé localement en FM ou relayé par satellite. Cette pression à la rentabilité va de pair avec un mouvement de concentration dans cette industrie. Le développement de contraintes légales visant à protéger les radios locales indépendantes a pu être contourné par de nouvelles technologies. Les indépendantes y trouvent cependant elles aussi des solutions à cette concurrence accrue sur le marché publicitaire local.

    1. Les acteurs de la radiodiffusion en France

      Les radios françaises sont réparties en 5 catégories par le CSA. Elles donnent des indications simples sur la répartition des acteurs de la radiodiffusion.

       

       

      Tableau 1 : Classification CSA des stations de radio privées

      Source : CSA, www.csa.fr

      Catégorie A

      Cette catégorie est constituée de radios associatives de proximité ou communautaires.

      Catégorie B

      Ces stations locales indépendantes sont des radios commerciales qui participent à l'animation de leur zone économique et contribuent également à l'expression locale.

      Catégorie C

      Ce sont des stations locales ou régionales affiliées ou abonnées à des réseaux nationaux. Il s'agit pour l'essentiel de radios musicales dont les deux cibles principales sont les 15/25 ans et les 25/49 ans.

      Catégorie D

      Ce sont des stations qui reprennent le signal des réseaux thématiques nationaux.

      Catégorie E

      Il s'agit des trois radios généralistes nationales : Europe 1, RTL et Radio Monte-Carlo qui existaient toutes les trois avant 1982, avec le statut de radios périphériques, puisqu'elles émettaient depuis l'étranger (la Sarre, le Luxembourg, la principauté de Monaco), en exploitant des émetteurs en modulation d'amplitude sur les grandes ondes. Aujourd'hui, elles sont désireuses d'atteindre une couverture nationale en MF.

       

       

      La puissance financière de ces différents groupes est très variable. La limitation pour les radios de catégorie A à 10% du revenu commercial par rapport à leur budget global explique un revenu par entreprise de 0,5 MF, là où les locales indépendantes sont quasiment à égalité avec la catégorie C, respectivement 2,2 et 2 MF de chiffre d’affaire moyen par radio.

       

       

      Tableau 2 : Les entreprises de radiodiffusion par catégorie en 1995

      Source : Indicateurs Statistiques de la Radio 1997, La Documentation Française

       

      A

      B

      C

      D

      E

      Nombre d’entreprises

      240

      145

      203

      13

      2

      CA moyen / entreprise (MF)

      0.5

      2.2

      2.0

      69.4

      858.7

      Nb moyen de permanents / entreprise

      3

      6

      4

      41

      160

       

       

      Spontanément, nous pourrions penser que la modernisation commencerait par les radios à plus fort chiffre d’affaire, c’est à dire les généralistes. Pourtant ce ne sera pas le cas. Les défis techniques et organisationnels sont pour elles faibles : un même programme est relayé par satellite sans variation locale. Si des mouvements de rachats ont lieu, les modifications ne touchent pas de prime abord les généralistes qui servent de vitrine aux groupes. Le groupe de Jean-Luc Lagardère a pour vitrine Europe1, la CLT possède RTL. Les formats généralistes ont en plus une tradition plus ancienne, marquée par l’influence du corps professionnel des journalistes dont la formation n’a inclut le montage numérique que récemment. Le nombre de salariés permanents est aussi plus important, 160 en moyenne par entreprise contre 41 pour les musicales nationales (Indicateurs Statistiques de la Radio 1997).

      En fait, la pression à la rentabilité s’est opérée en premier lieu sur les radios faisant l’objet de rachats, qui sont aussi celles où les gains de productivité peuvent être les plus forts : les nationales musicales.

      Tout au long des années 90, la catégorie D, et dans son sillage la catégorie C est animée de mouvements de regroupements et de rachats. Les groupes présents dans les media investissent dans la radio, rachètent des stations, les reformatent à l’intérieur d’une stratégie de groupe et les dotent d’outils permettant l’uniformisation des réseaux malgré les contraintes légales de production locale décrites ci-dessous.

      Fin 1999, trois groupes privés se partagent le marché de la radiodiffusion : Europe1 Communication, RTL et NRJ. Chacun de ces groupes a atteint la taille critique les empêchant de développer leur chiffre d’affaire par croissance externe. Le CSA impose en effet un seuil critique de 150 millions d’auditeurs potentiels sur l’ensemble des radios et réseaux contrôlés par un même groupe. NRJ semble donc avoir clos le mouvement par le rachat de Nostalgie début 1999.

      Avant la loi du 1er février 1994, le seuil était de 45 millions d’auditeurs potentiels dans un même groupe, répartis entre deux réseaux au plus (30 + 15). Cette loi, dite Carignon, a ouvert la course à l’extension des réseaux. Chacun des trois groupes s’est alors lancé dans un développement visant à atteindre cette taille critique permettant d’établir une véritable stratégie marketing, sur plusieurs cibles, sans chevauchements, commercialisées par une régie commune. Ainsi NRJ a racheté Nostalgie pour compléter son offre  commerciale : les lycéens auditeurs de NRJ, les ménagères auditrices de 25 à 49 ans de Chérie FM, les CSP+ de plus de 35 ans auditeurs de Nostalgie. Le groupe RTL a procédé par croissance interne en créant RTL2 sur les cendres de Maxximum et de M40 afin de permettre à IP Régies de compléter son offre avec une audience de 25-35 ans. Raisonnement semblable dans le groupe Europe qui, contraint par le CSA de se séparer de Skyrock avant le 31 décembre 1998 a recentré la programmation musicale d’Europe2 sur les moins de 15-35 ans par un format Groove.

      Chaque groupe dispose d’une surface financière importante. Europe1 Communication est adossé à Lagardère. RTL est une filiale à 100% de la CLT, elle même ayant pour actionnaire principal Bertellsmann, premier groupe de media européen. Dans un tel contexte, le financement de projets d’équipements ne pose aucun problème si les projets s’avèrent rentables. Le groupe NRJ est un cas singulier puisque le principal actionnaire en est encore son fondateur, Jean-Paul Baudecroux.

      L’intérêt des grands groupes pour la radio se trouve justifié par les résultats de cette dernière. Dans son classement annuel des entreprises françaises 1998, L’Expansion cite les deux groupes français de radios privées, Europe1 Communication et NRJ. Le premier est classé 266e avec un chiffre d’affaire de 2.911.445 FRF, le second 630e avec 1.015.332 FRF. NRJ apparaît aussi en 2e position dans le palmarès des entreprises les plus rentables du secteur Edition-Communication avec un taux de rentabilité de 27,08% qui explique son succès sur le marché boursier.

      Aux Etats-Unis, la montée en puissance des groupes de radio est plus ancienne, aboutissant à des groupes comme AMFM qui a réalisé un chiffre d’affaires de 1,27 milliards de dollars en 1998 et Clear Channel, 1,35 milliard la même année (source : Bloomberg). Ces deux groupes ont annoncé leur fusion début octobre 1999 faisant naître le numéro un mondial de la radio comme titrait l’article paru à la suite de l’annonce dans Les Echos en octobre 1999. Le nouveau groupe exploite 830 stations aux Etats-Unis et détient des participations dans 240 autres à l’étranger.

    2. Contraintes légales au développement des réseaux et parades techniques

      Dans le but de réguler le développement des réseaux commerciaux et afin de protéger les radio-diffuseurs locaux, le CSA a créé un cadre légal à la diffusion publicitaire se fondant jusqu’en 1994 sur la distinction radios affiliées ou abonnées.

       

      Les indicateurs statistiques de la radio 1997 donnent une définition de ces types de radios de catégorie C :

      • Une radio peut être abonnée à " un fournisseur de programmes (par exemple Europe2 ou Chérie FM).
      • La radio abonnée doit réaliser 3 heures de programmes d’intérêt local tous les jours, décrochages publicitaires non compris. Ce programme doit être diffusé entre 6h et 22h.
      • La radio abonnée est autorisée à diffuser des messages de publicité locale à l’intérieur des émissions du fournisseur de programmes. En contrepartie, la radio abonnée doit s’identifier au moins quatre fois par heure. Elle doit clairement indiquer sa situation d’abonné au programme fourni. " 

      Le nombre de ces stations a régressé devant le rachat par les réseaux de leurs abonnées, devenues radios affiliées. Ces affiliées sont liées à " une radio nationale par le contrôle de plus de 50% de son capital. Le CSA impose à ces radios l’obligation de diffuser les messages publicitaires locaux uniquement à l’intérieur de programmes d’intérêt local. Leur durée ne peut excéder 20% de la durée totale de ces programmes. En revanche, les écrans nationaux peuvent être admis à l’intérieur du programme local. " 

      Ces dispositions étaient destinées à réserver des parts de marché aux radios locales indépendantes. Un des volets de la loi du 1er février 1994 a modifié la définition des réseaux et la distinction apportée entre affiliés et abonnés. Un réseau est dès lors " un ensemble de services qui diffusent le même programme pour une part majoritaire du temps d’antenne. " La notion de capital détenu dans la station locale de catégorie C n’est donc plus retenue et les affiliés ne sont plus limités au programme local pour la diffusion de publicité. La limite de temps dédié à la publicité locale sur la journée, pour toutes les catégories C, est portée à 25% du temps de production locale hors publicité.

      Le seul élément capitalistique retenu dans la loi est le contrôle majoritaire d’un réseau par un groupe pour que ce réseau soit inclus dans le calcul des auditeurs potentiels du groupe. Ainsi, l’AFP Audio dont l’AFP est l’actionnaire majoritaire n’est pas inclus dans le calcul du nombre d’auditeurs potentiel du groupe Europe1 Communication, actionnaire minoritaire (source : service Radios du CSA).

      Ce contexte est plus favorable aux réseaux qu’avant mais les oblige toujours, s’ils veulent développer leur espace publicitaire local, à confier une partie de leur production aux affiliées. Cela les oblige à maintenir le même niveau de qualité et le même format dans la production locale et le programme national. Les directeurs de réseaux veillent à ce que l’auditeur n’ait pas le sentiment qu’il existe deux programmes sur une même radio, d’autant plus que le nom du réseau est associé.

      Sans système numérique, les décrochages publicitaires locaux durant la diffusion du programme satellite national (cas des abonnés) étaient très consommateurs de main d’œuvre, donc nuisible à la rentabilité. Les écrans locaux devaient être lancés et mixés manuellement par un opérateur, avec les risques de décalage par rapport au signal de raccrochage que cela comprend. Ou bien un opérateur enregistrait tous les écrans sur bande, le magnétophone étant démarré par un contact satellite. Le système " Goéland " fonctionnait ainsi et a équipé les abonnés ou affiliés d’Europe2 jusqu’à l’équipement tout numérique des stations locales, quasiment achevé en 1999.

      Les systèmes de diffusion publicitaire automatisés ont permis d’augmenter la rentabilité des écrans locaux. Ces systèmes sont en France pour l’essentiel TeamRadioâ de Dalet Digital Media Systems, créé en 1994 et utilisé par les réseaux RFM et NRJ, et le système de AGAP utilisé par Europe2 jusqu’à fin 1999, la société AGAP ayant déposé le bilan. RCS propose aussi un produit de diffusion publicitaire, les autres acteurs ne sont pas issus directement du monde de la radio. Ces systèmes permettent à partir de la saisie des ordres de diffusion publicitaire envoyés par la régie et saisis dans le système de générer un conducteur de diffusion et de diffuser automatiquement des écrans de durées correspondant aux différents décrochages. Cette saisie est effectuée dans chaque station et chaque base de données est indépendante. Ces anciens systèmes ne permettent pas d’agglomérer les données locales pour obtenir une visibilité sur l’ensemble du groupe. Des cartes contact telle la carte Ad Linkâ permettent d’interpréter des signaux satellites inaudibles en commandes pour basculer du programme satellite au programme local ou à la publicité locale.

      L’équipement des stations de catégorie C en systèmes de diffusion publicitaire automatisés se déroule essentiellement de 1994 à 1996. Dans le même temps, les réseaux rachètent leurs abonnés. Le financement de l’équipement des stations locales par le réseau a pu être utilisé comme argument pour faire accepter aux propriétaires des stations locales de vendre aux groupes et de devenir gérants.

      Depuis, les groupes ont atteint leur taille critique et cherchent à augmenter leurs profits dans un espace publicitaire limité à l’intérieur du territoire français. En effet, lorsque le nombre de fréquences maximum est atteint et que la durée des écrans ne peut pas s’accroître par contraintes légales ou éditoriales, les sources de profit sont peu nombreuses. Deux axes permettent d’augmenter la marge : la réduction des coûts d’administration des ventes et le yield management. Dans les deux cas, un système de trafic publicitaire élaboré devient indispensable. L’administration des ventes comprend la gestion des copies sonores et la saisie des ordres de diffusion. Ces deux fonctions occupent à titre d’exemple une personne à plein temps dans chaque station. L’administration inclut aussi la facturation et le reporting, elles aussi pouvant être sources de gains de productivité par l’automatisation et la centralisation. Le système de trafic TeamRadio2 de Dalet couvre toutes les tâches liées à la vente d’espace radio, de la création des offres commerciales à la facturation après réconciliation post-diffusion. Par une approche transversale des différentes tâches et fonctions sollicitées par la gestion de l’espace publicitaire, de forts gains de productivité peuvent être atteints. Un outil groupware commun à toutes les stations commercialisées par une même régie publicitaire est également indispensable à la remontée efficace d’informations. En vente d’espace, l’information sur le stock disponible est primordiale. Un reporting de groupe sur le stock publicitaire permet d’orienter les ventes vers des tranches horaires moins sollicitées pour éviter les conflits empêchant la diffusion des messages commandés. Plus encore, ce reporting est un préalable à la mise en place du yield management dans la politique commerciale. Le yield management est une opportunité d’accroissement de chiffre d’affaire permettant d’obtenir des résultats rapides.

      L’outil groupware est un pré-requis technique sans lequel aucune radio ne pourrait exploiter le yiel management comme nouvelle source de revenu : il permet de collecter l’information dont l’analyse donne des Conditions Générales de Vente optimisées et ensuite de gérer un espace publicitaire aux produits différenciés, correspondant chacun à un différent niveau de prix. Car en aval de la vente, il faut savoir gérer les produits vendus et garantir la prestation. Par exemple, si un spot est vendu 25% plus cher que le prix de base parce qu’il est en première position de l’écran, la radio doit être capable de garantir cette diffusion en première position de l’écran, alors même que différents acteurs interviennent sur le conducteur publicitaire. La commande est passée en régie, puis un éventuel service promotion peut ajouter ses échanges dans l’espace non vendu et enfin la station comblera les écrans avec des auto promotions tout en finalisant le conducteur de diffusion. Un outil global, commun à la régie, la station et toute entité fonctionnelle incluse dans le cycle de gestion publicitaire dans les radios est nécessaire à l’augmentation du chiffre d’affaire publicitaire des radios dans un espace limité.

      IP France, NRJ Régies et Europe Régies ont toutes travaillé pour ouvrir leur espace publicitaire au yield management en 1999. CB News (n°545) et Broadcast (n°29) ont tout deux consacré un article en novembre 1998 à l’avancée des travaux sur le yield management des trois régies. Dans tous les cas, le yield management n’implique qu’une modification des conditions générales de vente en fonction de l’analyse fine de la demande et visant à maximiser le chiffre d’affaire généré par la vente d’un stock limité et non récupérable, c’est à dire perdu s’il n’est pas vendu. Il peut ainsi être appliqué aux nuitées d’hôtel, aux billets d’avion ainsi qu’à l’espace publicitaire. Maximiser le chiffre d’affaire nécessite de vendre certains produits plus chers que d’autres. Lorsque ces produits sont à l’origine très homogènes, un espace de 30 secondes ressemble dans l’absolu à n’importe quel autre espace de 30 secondes, il est donc nécessaire de les différencier préalablement. Cyril Péron interviewé par Broadcast remarque que IP appuie cette différenciation sur la demande d’un écran particulier. Par exemple, les écrans autour de 7h40 sont les plus demandés, donc les plus chers. NRJ, selon Cyril Péron toujours entend plus jouer sur " une prime à l’anticipation du passage d’ordre. Cela conduit à éloigner la radio de ses qualité premières : la souplesse et la réactivité. " Cette opinion se fondait sur des données partielles. Le yield management n’a finalement pas pu être intégré dans les conditions générales de vente 1999 des radios. Les tranches horaires ont continué à être proposées à des tarifs différents selon la demande dont elles font l’objet. La prime d’anticipation n’a pas été utilisée, même si elle a pu constituer un des axes de recherche. Les obstacles ne sont pas seulement techniques, la maturité du marché joue aussi pour sa part, quand son analyse ne pousse pas tout simplement à rejeter l’application du yield management du marché publicitaire radiophonique. Interviewé par CBNews, Michel Cacouault, PDG d’Europe Régies reste plus réservé que ses concurrents : " Le yield est adapté à une clientèle éclatée alors que le marché de la radio se caractérise par sa concentration entre les mains de quatre gros acheteurs puissants. "

      De plus, la " prime d’anticipation " n’est pas appelée à être utilisée de façon brute mais plutôt dans un algorithme plus complexe tenant compte du rythme de remplissage d’un espace : se remplit-il plus vite ou moins vite que l’an passé ? Le prix est ajusté en conséquence. Le module de yield management proposé dans le système TeamRadioâ de Dalet utilise entre autres ce principe, après l’avoir validé auprès de ses clients.

      L’apparition d’outils groupware spécifiques aux radios qui couvrent l’ensemble de leurs tâches de commercialisation permet non seulement une maîtrise très fine de la politique tarifaire et une collecte de l’information consolidée à l’échelle d’un groupe national, mais aussi une tracabilité de l’information dans les détails : par exemple, le nombre de spots vendus par secteur économique spécifique, dans un écran spécifique pour une station donnée du groupe doit être obtenu facilement et rapidement avec un coût marginal d’interrogation des données nul.

       

      Les réseaux trouvent donc dans les technologies numériques destinées aux radios des solutions pour se développer de façon rentable malgré la limitation de leur espace publicitaire et leur obligation de production locale. Ces technologies accroissent la rentabilités des stations de catégories C puisqu’elle peuvent bénéficier d’économies d’échelle sur la partie administrative et sur la commercialisation. Nous verrons ci-dessous comment les radios de catégorie B peuvent de la même façon gagner en rentabilité.

    3. Gains de productivité et de qualité pour les radios locales indépendantes
    4. Les locales indépendantes doivent faire face à la concurrence des réseaux sur le marché publicitaire local. Elles peuvent comme leurs concurrentes profiter des systèmes de diffusion automatique pour leur publicité, mais elles peuvent également exploiter pleinement le numérique en automatisant une partie de leur diffusion et en gagnant en qualité de production.

Augmentation du chiffre d’affaire publicitaire par un système de trafic

 

Par l’acquisition d’un système de trafic publicitaire, les locales catégorie B obtiennent les mêmes gains de productivité que les catégories C à nombre de départ publicitaire équivalent. Cependant, le nombre de départs des indépendants est souvent plus réduit que celui de leurs concurrentes affiliées. Le système de trafic interfacé à un système de diffusion automatique des écrans peut permettre d’ouvrir des écrans jusqu’alors fermés car il n’était pas rentable pour la station d’embaucher un salarié supplémentaire pour diffuser manuellement ces écrans. Ainsi, l’espace publicitaire des indépendants peut être développé le soir et le week-end pour un coût de production marginal très faible puisque aucune main d’œuvre n’est nécessaire lors de la diffusion des écrans. Un système de trafic permet de plus de gérer différents départs publicitaires là où un même programme est diffusé sur plusieurs fréquences simultanément. C’est par exemple le cas de Alouette FM, région centre-est, qui gère actuellement 22 fréquences hertziennes avec 5 départs, c’est à dire des programmes publicitaires distincts, plus une montée sur canal satellite possédant elle aussi son propre programme publicitaire. Les locales peuvent donc développer leur espace publicitaire par l’équipement numérique.

Les radios locales indépendantes françaises se sont regroupées dans un GIE consolidant leur offre d’espace publicitaire commercialisé par Europe Régies Régions. Le GIE centralise les ordres de diffusion et assure la gestion des copies sonores et l’envoi du plan de diffusion. Un logiciel spécifique au GIE est utilisé pour cela : Arcomisâ . Un nouveau produit, le R2, a été déployé fin 1999 pour recevoir et diffuser des écrans complets envoyés comme les messages à l’unité par satellite. Les indépendants ont donc eux aussi une demande d’outil de groupe. Mais la gestion de l’espace publicitaire n’est pas uniformisée, si bien que les régies ne peuvent disposer d’un inventaire global. Par contrat avec le GIE, les indépendants donnent la priorité aux ordres de publicité transmis par le GIE sur la publicité ordonnée par la régie locale. Le GIE ne dispose pas de l’influence nécessaire pour normaliser les équipements des indépendants afin de créer un véritable outil groupware.

Mais le retard par rapport aux radios nationales n’est pas grand, ces dernières n’en sont encore qu’au début du groupware. Les régies nationales n’ont pas de données précises sur leur stock global ni de contrôle de diffusion des ordres passés à distance. Seul l’espace du programme national est contrôlé avec précision. Les indépendants, en cette fin d’année 1999, disposent donc d’outils comparables à ceux des stations affiliées, elles gèrent la publicité locale de la même façon et des ordres " multi-villes " leur parviennent de Europe Régie Régions.

Production des tranches horaires les moins rentables

L’automatisation des programmes, en plus de la diffusion publicitaire, est la seconde piste de gain de productivité des indépendantes. Les stations, pour maintenir un programme 24h/24h, doivent ou bien employer un animateur en permanence ou s’abonner à un programme satellite anonyme comme L’AFP audio du groupe Europe1, ou SOFIA de Radio France.

Le coût total pour la station d’un animateur la nuit, de 22heures à 6heures en semaine, avec un salaire mensuel de 8500FRF brut est de 11570 FRF. Au moins 3 personnes à temps partiel sont nécessaires à l’animation du week-end. WIT FM à Bordeaux a certes fonctionné ainsi mais les programmes anonymes représentent la première alternative à cette dépense à laquelle peu d’indépendants peuvent faire face.

Les programmes anonymes sont non identifiés et donc peuvent être repris par d’autres stations à leur compte. L’abonnement à SOFIA de Radio France coûte en moyenne 2000FRF par mois. Les tarifs de l’AFP audio sont plus élevés puisque 2600FRF est un tarif minimum, payé par exemple par Radio Océane. Lors d’un entretien le 11 mars 1999, Sébastien Lebois, directeur de l’AFP audio, a expliqué son offre de service aux radios :

" L’AFP est une banque de programmes diffusée par satellite et retransmise par les stations abonnées à l’aide d’un décodeur. Le tarif de l’abonnement dépend de l’exclusivité souhaitée par les stations abonnées. La notion d’exclusivité ne dépend pas du nombre d’auditeurs sur la zone de couverture mais du nombre de radios dans cette zone. L’exclusivité fait perdre au programme d’autres clients potentiels et cela se paie.

Un abonné peut extraire n’importe quelle partie du programme AFP audio et le réutiliser selon ses besoins. Tous les éléments du programme AFP sont topés. C’est à dire que des contacts marquent chaque élément (rubrique, info, musique, décrochages locaux… détaillés sur site Internet de l’AFP audio) et permettent aux radios locales de les extraire, de les enregistrer pour une diffusion décalée ou inclure des publicités ou rubriques locales durant le programme satellite. Le boîtier WEGENER de " Metracom " permet d’interpréter ces signaux et de les transformer en commandes aux systèmes d’automation utilisés dans les stations abonnées.

Le développement des systèmes d’automation à des prix abordables pour des locales associatives a pu menacer les programmes satellites. Mais selon Sébastien Mebois, la qualité du programme de l’AFP audio joue un rôle stimulant pour les petites stations. Il est vrai que le satellite est le seul moyen pour les locales d’obtenir des flashs d’information nationale d’une qualité égale aux réseaux et que les moyens de recherche marketing sur la programmation musicale sont plus important à l’AFP audio. De plus, des rubriques peuvent être extraites et venir dynamiser le programme durant les tranches locales, apporter un contenu supplémentaire. Ces rubriques sont annoncées sur le site Internet de service aux abonnés avec une fiche descriptive qui permet de déterminer si elle correspond véritablement aux intérêts de la cible de la station locale.

Les programmes de l’AFP audio sont eux-mêmes entièrement automatisés. Cela permet d’occuper 24h/24h les 7 jours d’émission avec seulement trois animateurs. Cette démarche est logique et non dommageable à la qualité du programme puisque seules quelques heures de programme satellite sont retransmises en FM par jour, souvent la nuit. Le système utilisé était le Master Control de RCS dont l’application Voice Tracking permettait d’enregistrer une intervention directement dans le conducteur musical en écoutant l’enchaînement. Ce procédé donne un sentiment de direct en offrant la souplesse des systèmes numériques puisque l’intervention peut-être recalée avant le début de l’intro du titre enchaîné si l’animateur a " débordé " ou encore, les niveaux sonores respectifs de la musique et de la voix peuvent être retouchés. Depuis le déménagement de l’AFP audio durant l’été 1999 de Lyon vers Paris, dans les locaux de Europe Communication, le système utilisé est Dalet 5, qui propose des fonctionnalités équivalentes et permet d’uniformiser l’équipement du groupe afin de réduire les coûts de maintenance. C’est donc le numérique qui a permis à l’AFP audio de survivre aux systèmes numériques en permettant de proposer un produit de grande qualité pour un coût réduit.

Une menace non avouée reste cependant la réduction du nombre de radios locales indépendantes. Dès qu’une station locale entre dans un groupe, elle trouve les moyens non seulement de s’automatiser mais d’alimenter son programme avec une programmation qui lui est propre. Et malgré les efforts de l’AFP audio pour avoir un programme passe-partout et de qualité, ce programme ne peut pas s’insérer dans un programme très formaté et répondant à une stratégie de groupe comme Radio Latina qui cible les communautés hispaniques et met en avant les artistes du groupe Caracol.

C’est ainsi que de nombreuses radios indépendantes ont opté pour un système d’automation permettant d’avoir une production propre et à leur format 24 heures sur 24. Un système d’automation tel Dalet permet en outre de faire du " live-assist ", c’est à dire qu’un animateur en direct est assisté par l’ordinateur pour préparer les enchaînement, charger automatiquement les éléments sonores de la base numérique au bon moment, si bien que l’animateur se concentre sur ses interventions sans craindre une interruption de programme, un blanc. C’est aussi une garantie pour le directeur des programmes que le format est respecté. Avec un tel système, quatre personnes peuvent assurer toute la production et l’animation d’un format musical.

 Les outils de la créativité

Les indépendantes, par un système numérique se dotent aussi d’outils de production équivalents à ceux d’un réseau national. En libérant le personnel de la présence à l’antenne, les ressources peuvent être réallouées à la production, c’est à dire la création de contenu et son montage d’une part et la programmation du contenu d’autre part. Ainsi, les systèmes de diffusion et d’automation de Dalet, RCS, Zenon et autres concurrents, ont tous des applications de production. La production comprend d’une part le montage, d’autre part la programmation.

Le montage numérique permet de travailler à plusieurs sur un même élément sonore grâce à des copies à l’identique, ce que la bande ne permettait pas puisque la copie analogique est dommageable pour la qualité audio et consommatrice de temps. Il permet même de monter un élément sonore avant même la fin de son enregistrement : le technicien de studio peut ainsi monter une interview en régie pendant son enregistrement.

La base de données centralisée et accessible depuis l’ensemble des stations de travail de la radio permet une utilisation plus simple et rapide de toutes les ressources sonores présentes dans la radio.

L’augmentation du niveau de qualité des programmes constitue donc la seconde piste de gain de compétitivité des indépendantes. Par des outils visant la réduction des coûts, elles peuvent aussi améliorer leur production.

Des chances relativement équilibrées

Le coût d’équipement d’une station locale est le même pour une indépendante ou une affiliée. Leurs modes opérationnels diffèrent mais l’outil est le même. L’équipement complet d’une station comprenant un poste de production (programmation et montage), un poste de diffusion (automatique et assistant de direct) et un serveur de base de données et de sons coûte environ 200.000 FRF avec les cartes audio, montant variable en fonction du niveau de sécurité souhaité et les applications particulières choisies. La solution trafic coûte entre 30.000 et 50.000 FRF à ajouter au montant. Le retour sur investissement intervient dès la première année par l’économie d’un emploi ou l’ouverture de nouveaux écrans publicitaires. A plus long terme, l’augmentation de la qualité du programme permet d’augmenter les tarifs de l’espace publicitaire.

Si les premiers outils numériques de production et de diffusion sonore mettent à égalité les stations de catégorie B et C, le contenu accessible par chacune fait la différence. Une radio affiliée profite du contenu mis à disposition par la tête de réseau : éléments sonores répliqués dans la base de données locale, textes rédigés par la tête de réseau, programmation musicale.

L’exemple de la programmation musicale est très représentatif de cette inégalité. Le logiciel Selectorâ édité par RCS en 1979 permet, à partir des titres musicaux et de contraintes de programmation précises associées à chaque titre, de produire une programmation musicale correspondant au plus juste aux données de l’audience ciblée. Ce logiciel est le standard mondial de la programmation musicale utilisé par plus de 3000 stations à travers le monde. Il est accessible à toutes, d’autant plus que RCS facture ses logiciels en fonction du bassin de population de la radio et les fournit sous forme de leasing. La différence de qualité de la programmation provient dès lors non pas de l’outil lui-même mais de la qualité des données fournies et de l’utilisation par le programmateur musical. Chaque titre doit en effet être référencé et des critères doivent lui être associés. Ces critères sont laissés au libre choix du programmateur en fonction des données dont il dispose. Les réseaux musicaux disposent d’outils marketing permettant d’établir une programmation correspondant au plus juste à leur cible. Aude Dassonville dans l’article " Radios musicales à un bémol d’écart " (Libération, 11 juin 1998) décrit ces outils : " call-outs " et auditoriums. Les premiers ont une fréquence quasi quotidienne, sont utilisés en particulier par les formats " Nouveautés " tels NRJ pour aider à décider de l’entrée en rotation d’un titre. Ces séances d’interviews téléphoniques sont sur le mode " Ce titre vous plaît-il ? Le connaissez-vous ? Aimeriez-vous l’entendre ? ". Les auditoriums permettent de tester des titres plus précisément en quantifiant le plaisir qu’un panel peut éprouver en écoutant un titre : un curseur permet tout au long des extraits écoutés d’attribuer des notes. Des entretiens avec une partie de l’auditoire permet ensuite de déterminer les attitudes du panéliste face aux titres écoutés. La mission de ces entretiens : décrypter les notes quantitatives. " De quelles chansons se souviennent-ils ? Comment imaginent-ils l’auditeur type de cette radio ? Comment voient-ils le programmateur ? Quel nom donneraient-ils à cette radio ? ". Ces questions permettent de déterminer si les titres sélectionnés correspondent à la cible et à l’image que la station souhaite donner d’elle même.

Bien entendu, le coût de ces tests réalisés par chaque réseau musical empêche les locales indépendantes d’y accéder. Il est de plus peu probable que le GIE puisse un jour les réaliser de façon aussi précise. En effet, les tests à mettre en place pour récolter des données marketing précises sur des titres sont propres à chaque format, et chaque indépendant a son format.

De même que les études marketing, la rédaction est source d’inégalité des chances dans la conquête du marché dès lors que le format n’est pas 100% musical. Si les systèmes peuvent être achetés par toutes les catégories de radios, seules celle faisant partie d’un groupe en tireront le meilleur partie. La production de rubriques peut s’alimenter des ressources des rédactions du groupe. Les têtes de réseaux disposent ainsi de ressources rédactionnelles sur l’ensemble du territoire. NRJ, pourtant format HIT, diffuse chaque jour dans ses flashs une pige locale d’une des affiliées du réseau.

Le numérique donne donc des chances relativement égales aux radios commerciales de tout type en ce qui concerne la production et la diffusion. L’investissement est limité, le retour sur investissement rapide et le financement d’autant plus aisé. Cette relative égalité face aux moyens techniques ne permet cependant pas de compenser un accès au contenu. Ce dernier est dépendant de la surface du groupe, permettant de s’alimenter de sa production interne à moindre coût.

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