Les nouveaux modes de diffusion
Dans un premier temps, le numérique a permit daugmenter la rentabilité des programmes par la réduction des coûts de production. Puis lobtention dun contenu numérique a permis dexplorer de nouveaux modes de diffusion. Le signal numérique offre en effet une plus grande souplesse que lanalogique. Il permet de diffuser un même programme sur de multiples canaux. Le programme radio pouvait déjà être repris par câble et satellite. Le numérique offre la possibilité dexplorer la diffusion satellitaire directe, le webcasting et le DAB. Ces nouveaux modes de diffusion ouvrent la voix vers une modification du programme radio qui peut désormais souvrir au multimedia.
Dans cette partie, nous aborderons les différentes possibilités que la technique actuelle ou émergente permet dexploiter dans un bref délai et pour des investissements abordables pour des radios. Dans la cinquième partie de cette recherche, nous verrons dans quelle direction les entreprises de radio ont intérêt à sengager pour bien se positionner sur le marché des producteurs diffuseurs de contenu multimedia.
Loptimisation de la diffusion FM
Très tôt orientée vers la bande FM, la radiodiffusion a du sadapter à ses contraintes, entre autres une zone de couverture limitée, les distorsions dont le signal est victime, par réflexion sur des éléments du relief ou par brouillage provenant de signaux superposés. Les premiers efforts damélioration de la diffusion ont porté sur loptimisation de la diffusion FM.
Les priorités en matière damélioration de la diffusion sont bien sûr données par laudience. Celle-ci est massive parmi les automobilistes. En 1995 le taux déquipement en autoradio était de 90%, en constante augmentation. Il tend vers 100% (Indicateurs statistiques 1997). Or, la limitation de la zone de couverture de la FM à quelques dizaines de kilomètres selon la puissance de lémetteur impose à lautomobiliste de changer manuellement la fréquence de son récepteur pour retrouver dans de meilleures conditions le programme quil était en train de perdre, avec le risque quil ne le trouve pas et quil sarrête sur un autre programme. Pour se prémunir contre cette fuite de lauditoire itinérant, les réseaux nationaux ont équipé leurs affiliés démetteurs RDS (Radio Data System). Ce code spécifique inaudible indique au récepteur équipé du même système sur quelle fréquence se caler pour une réception optimale du programme sélectionné. En 1997, les autoradios équipés de RDS atteignaient 8,2% en taux de pénétration. Cette innovation ne constitue donc pas une révolution par sa diffusion, pourtant, dautres applications du RDS sont précurseurs des nouveaux types de diffusion numérique pouvant être exploités par les radios.
Le RDS est en effet un moyen de transmettre des données associées au programme. Le RDS passe par une sous-porteuse FM. Une évaluation technique de la transmission de données par sous-porteuse FM a été réalisée par le " groupe de travail sur la mise en uvre de la radiodiffusion audionumérique " dans son rapport " Evaluation du marché de la diffusion de données par radio " parut déjà en 1995 :
Le vocable " sous-porteuse " signifie quune voie secondaire (ici une voie de données) est modulée séparément puis combinée au signal principal de lémission radio FM. En fait, la sous-porteuse fait partie du signal principal de lémission FM, mais elle est modulée séparément.
Avec la technologie actuelle, le débit de données maximal est de 19,2 kbits/s, bien quun signal à 9,6 kbits/s soit plus fiable. Le RDS utilise cette technologie. Mais la norme est ancienne et son débit est limité à 1200 bit/s.
La sous-porteuse FM est plus utilisée aux Etats-Unis quen France, en partie grâce aux investissements réalisés par des constructeurs comme Seiko et CUE. Cette technique a lavantages dêtre déjà disponible et fiable. Elle est rendue accessible au public par des appareils radios de réception peu dispendieux, ainsi que de cartes enfichables de réception pour les ordinateurs portables (carte PCMCIA) qui permettent de recevoir sur un ordinateur personnel les données transmises par les ondes.
Les applications déjà utilisées en Europe ou outre-atlantique sont laffichage du nom de la station, du titre diffusé, la commutation automatique du récepteur sur les bulletins de circulation (alors que lauditeur écoute une cassette par exemple), la réception de messages durgence, des cotes de la bourse ou des résultats sportifs, la réception du numéro de téléphone des annonceurs Les applications sont limitées à la fois par la technique et par la rentabilité des productions étant donné quil est impossible de gérer des abonnements par ce canal et quil se prête peu à la publicité.
Les sous-porteuses FM ont le mérite douvrir la voie de la transmission de données par la radio. La gestion de la production des données associées est peu complexe dans le cas du RDS en raison du faible volume de données mais il permet aux radios dacquérir les bases du savoir-faire de la diffusion multimedia, qui passe par la maîtrise des outils de production numériques. La diffusion numérique est dès lors très proche. Restera ensuite à produire des programmes adaptés à ces nouveaux canaux (partie 5).
Lintroduction doutils numériques a aussi permit daméliorer la qualité du signal émit sans même lalourdir, comme dans le cas du RDS. Ces techniques sont celle du traitement du son avant diffusion. Le traitement du son existait déjà avant lapparition des technologies numériques. Il permet dadapter le son sortant de la console de diffusion aux contraintes de la FM : perte de la fréquence lorsque le signal devient faible, brouillage dans les zones de réception excentrées par rapport à lémetteur. La précision du traitement analogique était plus faible que celle des nouveaux traitements numériques. " Optimod ", leader du traitement analogique, prépare logiquement un produit numérique pour ne pas se laisser devancer par son concurrent européen direct, IDT, qui équipe actuellement plus de 5300 départs radio en France et en Europe. IDT, société française, est spécialisée dans la conception et la fabrication de processeurs de traitement du signal pour les radios et les télévisions. Le traitement consiste à réduire la dynamique du signal émis à ce qui peut être reçu dans les meilleures conditions. Il sagit dune compression du signal, telle celle réalisée lors du pressage des disques vinyles et sans laquelle les sillons seraient plus larges, afin de contenir plus dinformation mais de linformation non efficace, non audible.
Le site Internet de IDT (www.idt-fr.com) permet de mieux comprendre lutilité du traitement de son :
" Depuis la naissance des premiers traitements de son, ceux-ci sapparentaient plus à des limiteurs quà de réels processeurs. Deux points ont évolué. Le premier concerne les technologies utilisées, le deuxième concerne les procédés employés. En effet, au début, le seul objectif était de limiter les crêtes de modulation. Mais très vite, il est apparu que lon pouvait modifier la texture sonore pour lui apporter une densité supérieure, optimiser ainsi la couleur des disques et donc limiter les transitions de timbre. Lautre nerf de la guerre réside dans la capacité à être le plus fort possible, tout en respectant les 75 kHz dexcursion.
Le traitement du signal audio est donc utile pour deux raisons : la première consiste à conformer le signal audio aux normes internationales de radio diffusion, la deuxième beaucoup plus suggestive, consiste à rendre un son " vendeur " afin de fédérer de laudience. "
Figure 1 : Remplissage de la modulation sans traitement
Figure 2 : Remplissage de la modulation après traitement
En plus de sa précision, le traitement numérique a lavantage dêtre reproductible à lidentique dun site de diffusion à lautre sans lintervention dun technicien spécialiste. Les appareils de traitements analogiques sont difficiles à configurer et doivent lêtre par la tête de réseau pour garantir un son homogène sur lensemble du réseau. En effet, chaque retransmetteur (radio locale de catégorie C) doit être équipé dun traitement de son qui garde la " couleur dantenne " du programme national. Le réglage est en plus différent en tête de réseau et pour les affiliés car le signal passe entre les deux par un satellite, source de distorsion. Le traitement numérique apporte une solution à ce point crucial de la diffusion : les réglages sont sauvegardés dans un fichier informatique et peuvent être chargés, dupliqués à volonté dans des sites distants.
La différence de traitement a un impact direct sur la perception quont les auditeurs à légard du programme. Un traitement normalisant toutes les fréquences sonores à saturation sera perçu comme plus agressif. Il correspond à un programme jeune, dynamique, urbain. Cest le type de réglages choisi par Skyrock. La durée découte par auditeur sen retrouve réduite. La DEA moyenne en 1996 de Skyrock était de 87 minute, la plus faible des réseaux musicaux, alors que Nostalgie atteint 125 minutes. Tous les facteurs de format et dauditoire ne sont pas indépendants du résultat, mais le traitement beaucoup plus léger de la diffusion de Nostalgie joue sûrement un rôle dans la différence entre les DEA respectives. Le son diffusé par Nostalgie est moins saturé, traité différemment pour ne pas fatiguer loreille. Un traitement plus léger par contre rend le signal moins stable à la périphérie de la zone de diffusion, mais plus dynamique et de meilleure qualité en son centre.
Sil ne modifie pas les habitudes de consommation de programme en matière de lieu et mode de réception, le traitement numérique a donc un impact sur lefficacité du programme et il doit être réfléchi comme nimporte quel autre élément du programme, en fonction de la cible recherchée.
Les évolutions causées par lindustrie numérique sont surtout perceptibles lorsquelles impliquent une modification des habitudes de consommation de programme. Les données associées sont donc au centre de toutes la réflexion, peu à peu au centre des innovations.
Optimisation du volume de données
Le son, tout comme limage, est une information volumineuse, et plus le volume est important, plus il est difficile de transporter ou de diffuser les données. Une minute de son non compressé occupe 12Mo. Mais parmi ces 12Mo de données, beaucoup sont inutiles. En effet, dans le cas de laudio, ces données sont des fréquences inaudibles pour lhomme ou ne pouvant pas être diffusées. Certains sons peuvent en masquer dautres pour loreille lorsquils sont émis ensemble. Une partie de linformation peut donc être abandonnée sans perte de qualité. Ce processus de codage des données dans un volume plus réduit que le format de départ sappelle la compression. Le standard de compression porte le nom de lorganisation qui la créé : Moving Picture Experts Group, MPEG. En fait, la compression fait perdre une partie des informations utiles et donc diminue légèrement la qualité de laudio. Plus le taux de compression est élevé, moins laudio est fidèle à loriginal. Les radios diffuseurs limitent la compression à 6 : 1 ; une minute daudio compressé peut donc occuper 2 Mo au lieu des 12 Mo occupés par laudio linéaire.
Trois générations de formats MPEG se sont succédé jusquici. Le MPEG2 et 3 sont utilisés actuellement.
Le MPEG 2 permet loptimisation du volume de films (son + image). Il peut également servir de format de compression du son uniquement. Cest dailleurs le format utilisé actuellement dans les radios qui ont numérisé leur base de production. Il est plus volumineux que le MPEG3 mais de meilleure qualité à taux de compression égal et surtout plus malléable. Le MPEG2 peut être monté, cest à dire coupé et modifié directement par des éditeurs numériques alors que cest impossible avec le MPEG3. Les même opérations nécessitent avec ce dernier format une conversion dans un autre format pour le montage, puis une reconversion du résultat dans son format dorigine. Le MPEG3 est cependant le format préféré du grand public sur Internet pour sa qualité tout de même acceptable et son volume optimal.
Le MPEG2 était indispensable à la numérisation des radios car le stockage du son de façon linéaire, cest à dire sans compression, savérait trop coûteux en raison du prix de lespace disque. La baisse constante des prix du Giga octets despace disque (au alentour de 100FRF le Go fin 1999) a permit aux constructeurs informatiques de proposer des solutions de stockage et de production numérique en linéaire sans hausse sensible du coût. Les outils de production linéaire étaient attendus en particulier par les têtes de réseaux musicaux (catégorie D). A linstar de RFM, des réseaux ont numérisé leur production et leur base de sons publicitaires, les identifiants dantenne et les éléments préenregistrés des informations quils stockent dans leur base de sons. Par contre la musique restait toujours diffusée à partir de CD. En utilisant un format compressé pour la diffusion musicale, les directeurs techniques des radios craignaient une déperdition de la qualité lors des traitement successifs occasionnés par la diffusion satellitaire. Etant donné que la qualité de la musique diffusée est capitale pour les formats musicaux, les stations ont continué à diffuser les titres à partir de CD. Europe Communication et NRJ prévoient de stocker et diffuser leurs titres musicaux à partir de leur base numérique en format linéaire début 2000.
La diffusion linéaire nest cependant utilisable que pour la diffusion FM car, si le volume de données nest plus un problème pour le stockage, il le reste pour la diffusion.
Dautres formats de compression sont également utilisés comme par exemple le format Musicam pour le stockage de son sur les Mini-Disques. Il permet de diviser par 8 le volume occupé par extraction des données utiles. Le RealAudioâ est un format de qualité médiocre mais il permet le transport de son dans un volume très réduit. Il est utilisé par la plupart des stations diffusant en direct sur Internet.
La diffusion dans un format sur un canal nimplique pas que tous les canaux diffusent le même programme dans le même format. Il existe des convertisseurs capables de transformer le signal en direct pour émettre dans différents formats, par exemple MPEG2 en DAB, analogique en FM, RealAudioâ sur Internet.
La maîtrise de ces formats de compression était un préalable technique à lexploitation de différents canaux de diffusion. Les canaux de diffusion que nous abordons ci-dessous permettent un transport de volume de données supérieur aux traditionnelles sous-porteuse FM mais leur capacité reste limitée. Nous verrons pour chacun quelles sont les possibilités offertes.
Diffusion satellitaire numérique et DAB
La diffusion satellitaire est utilisée par la radio depuis le début des réseaux FM pour acheminer le programme national aux retransmetteurs locaux. Des barrières techniques empêchaient la diffusion directe vers les auditeurs depuis un satellite. Ces derniers auraient en effet du séquiper dantennes paraboliques et de démodulateurs. Cet équipement est entré dans les foyers lors du lancement des bouquets de chaînes télévisées satellites. Les offres de TPS, Canalsatellite et dans une moindre mesure de AB Sat ont poussé les foyers à séquiper de récepteurs satellites. Le signal numérique de ces satellites peut transporter aussi bien le son que limage. Des programmes de radios ont donc été offerts en même temps que les programmes télé pour compléter loffre de service. Les programmes radio sont aussi bien des programmes nationaux, privés et public, que locaux, comme Alouette FM.
La diffusion numérique et la bande passante disponible sur ces bouquets permet de développer des offres de services complémentaires aux programmes radio sous forme de données associées. Canalsatellite a annoncé en novembre le lancement de services interactifs pour les radios présentes sur le bouquet :
" Les radios présentes sur Canalsatellite proposeront à
partir du 20 décembre des services interactifs permettant notamment de recevoir des
informations en temps réel sur le morceau écouté, l'artiste ou les programmes de
concerts ou de procéder à des achats. Canalsatellite proposera également une
"mosaïque sonore interactive" présentant les 55 radios sur trois pages et
permettant de choisir la station de son choix avec ses programmes, a indiqué Canal+. En
écoute, s'afficheront sur l'écran les références du morceau écouté, les couvertures
des CD, ainsi que des informations sur les émissions, les animateurs ou les interprètes.
L'abonné, en cliquant sur une icône, pourra également se diriger vers le
" Forum Boutique " de Canal+ et commander des CD ou des places de
concert. 55 radios, allant de France Inter à Radio Nova, d'Europe 1 à Radio Notre Dame
ou Sport 0'FM, sont diffusées sur Canalsatellite. En outre, Canalsatellite présente un
bouquet de 25 programmes audio thématiques, MultiMusic. "
Communiqué de Canal Satellite, 28 novembre 1998, diffusé sur le site
non-officiel de la société
Les freins majeurs au développement de laudience et la participation de cette dernière aux programmes dans le cadre des services interactifs sont la situation découte et les contraintes du récepteur satellitaire. En effet, laudience à domicile est concentrée dans la cuisine, lieu peu commun pour linstallation dun téléviseur équipé de la réception satellite. Même sans disposer de chiffres précis, nous pouvons avancer que laudience restant devant lécran pour écouter la radio est faible. Les services interactifs des radios sur les bouquets satellites semblent condamnés à rester marginaux. Ils ne représentent une valeur ajoutée que sils peuvent suivre lauditeur aussi bien que le programme radio dorigine, cest à dire au travers de récepteurs portables, peu chers, dont tous les foyers sont équipés, même en plusieurs exemplaires. En 1997, chaque foyer français possédait en moyenne 6 récepteurs radio (Indicateurs Statistiques 1997).
La diffusion satellitaire peut cependant être un axe de développement des radios avec les normes de diffusion satellitaire directe. En se dissociant des bouquets de télévision, WorldSpace a été le premier projet de diffusion satellitaire directe de programmes audionumériques (digital audio broadcasting DAB) et multimedia. Il ny a pas de relais terrestre entre le satellite et le récepteur de plus en plus portable de lauditeur.
Lidée première était de toucher une population vaste et qui aujourdhui ne disposent que dune offre de piètre qualité diffusée en grandes ondes ou que de quelques programmes AM ou FM. Cette population, à lopposé des marchés développés et saturés doffres de programmes, est composée majoritairement de pays émergeants totalisant 4,6 milliards dindividus que seule WorldSpace pourra alimenter de ses programmes.
Une des missions primordiales de WorldSpace est de développer en collaboration avec les constructeurs grand public des récepteurs portables, économiques, capables dassurer une bonne qualité audio et de recevoir des textes et des images, en bref capables de répliquer loffre des bouquets satellites télé sur des récepteurs radio portatifs. Cest chose faite en collaboration avec Hitachi, JVC, Matsushita (Panasonic) et Sanyo. Lobjectif est de proposer des récepteurs à moins de 100$ lors du lancement de loffre WorldSpace, dont une partie pourrait être prise en charge par les Etats.
Lintérêt pour les diffuseurs dintégrer une telle offre est bien sûr laudience potentielle, large et nouvelle située dans les pays émergeants. Chaque faisceau de diffusion touche 14 millions de km2 et les programmes diffusés peuvent attendre une augmentation des recettes publicitaires, qui peut dailleurs être assurée par les services de régie de WorldSpace. Les programmes pourront être agrémentés de données associées, chaque récepteurs sera équipé de sorties sur des appareils périphériques (sortie PC, sortie stéréo) en plus des écrans propres à lappareil.
Ce type de diffusion présente les mêmes possibilités techniques que le DAB terrestre. La diffusion satellitaire directe a lavantage évident de nengager aucun coût pour les répétiteurs terrestres. Le projet européen Eureka 147 préparait le développement du DAB terrestre et une normalisation technique au niveau européen. Frédéric Vasseur en 1992, dans Les Medias du Futur, reprenait lhypothèse optimiste de lapparition de la radio numérique en qualité compact vers 1995 grâce au DAB terrestre. Si techniquement cette hypothèse sest réalisée, le développement commercial na pas pu avoir lieu. Le retard pris dans le déploiement du DAB terrestre compromet lensemble du projet Eureka 147. Les diffuseurs risquent en effet dattendre le déploiement du DAB satellitaire qui pourra devenir le standard technique de la radio numérique.
Manuel Bomberger, observateur de La Radio en France et en Europe, titre de son ouvrage paru en janvier 1997, constate déjà léchec du DAB terrestre. Il sexplique selon lui en grande partie par le coût des récepteurs. Les premiers seraient proposés à 5000 francs et lon pouvait espérer une baisse rapide pour atteindre une fourchette de prix de 2000 à 3000 francs. Cela reste en effet beaucoup alors que le prix dentrée de gamme des récepteurs FM actuels est de 100 francs, certains étant même offerts comme cadeaux publicitaires. Manuel Bromberger argumente : le gain en qualité audio nest pas majeur alors que la diffusion FM a été grandement améliorée, par une meilleure transmission entre les stations et les émetteurs, mais aussi par loptimisation du signal diffusé ( cf. 4.1 Optimisation de la diffusion FM). Le maintien de loffre de programmes en FM stéréo ne pousse donc pas les foyers à séquiper en DAB. Les diffuseurs eux ont tout intérêt à passer au DAB car les frais de diffusion sont moindres : un même émetteur peut servir à plusieurs programmes numériques.
En 1999, le nombre de constructeurs présents sur le marché du DAB a augmenté, mais le retard pris par le projet Eureka 147 na pas encore permis de lancer le DAB auprès du grand public. Lors du salon multimedia IFA 1999 en Allemagne (28 août au 5 septembre), 17 sociétés dont Sony, Pioneer, Clarion et Blaupunkt ont exposé plus de 20 modèles de récepteurs. Seules deux sociétés ont annoncé un lancement des récepteurs à moins de 2500 francs : Technisat et Oritron. Manuel Bromberger prévoyait un échec du lancement à un prix aussi élevé.
Toutes ces technologies se prêtent parfaitement aux projets de diffusion de données associées et à linnovation des radios à la recherche de nouvelles sources de revenus. Nous verrons en cinquième partie comment ces technologies peuvent être transformées en nouveaux marchés.
Parmi les modes de diffusion émergeants, cest le premier à avoir été adopté par lindustrie radiophonique, dabord parce que la technologie est déjà disponible et maîtrisable avec une courbe dapprentissage rapide, ensuite parce que linvestissement est faible.
Parmi toutes les nouvelles technologies, lInternet est avec le téléphone cellulaire celle qui a le mieux pénétré les foyers, y compris en France où la baisse des prix des ordinateurs et les offres de connexion à Internet sans abonnement permettent daugmenter rapidement le nombre dinternautes. Jim Durkin, responsable de lévénementiel Internet de Microsoft semble de plus en plus avoir raison lorsquil dit au NAB (National Association of Broadcasters) :
" We believe the Internet will become the next broadcast network. "
(Nous pensons quInternet va devenir le premier réseau de diffusion.)
Selon la définition du rapport du NAB, Internet Age Broadcasters, le webcasting est " lensemble des méthodes de distribution dinformations dun émetteur vers de multiples récepteurs. Cela comprend le streaming (diffusion en continu) audio et vidéo, les méthodes dites " push " comme les souscriptions à des listes de diffusion, et la distribution de logiciel sous forme électronique. A cela peuvent sajouter dautres formes dinteractivité tels le téléphone, la téléconférence et dautres moyens de communication textuels ou graphiques. Le webcasting consiste à diffuser un programme radio sur Internet. "
Le webcasting dans lesprit de nombreux diffuseurs mais aussi dans lesprit du grand public se réduit souvent au streaming, cest à dire la diffusion du programme en continu sur Internet. Par opposition, la diffusion dun programme peut se faire par téléchargement, ce qui est très long (2 heures 30 pour une minute daudio de qualité CD avec un modem 56000), et consommateur despace disque alors que le streaming ne stocke que temporairement une infime partie du programme. Le streaming fait lobjet dune forte activité sur lInternet. Des sites fédérateurs tels www.broadcast.com donnent accès à de nombreux programmes de radio à travers le monde alors quils ne pouvaient jusqualors être captés que dans leur zone de couverture FM. Mais ceci ne représente quune partie du webcasting qui, en dehors des considérations techniques, consiste à décliner un programme existant sous un format classique comme le programme radio pour en faire une offre adaptée à lInternet et en tirant tous les profits. Cest sans doute cette logique qui a poussé Yahoo ! à acquérir broadcast.com fin 1999. Yahoo ! possède le savoir-faire propre à lInternet que les groupes de radio capables financièrement dacquérir ce site nont pas. Mais le partie pris de Yahoo ! a été de mettre en avant la distribution de disques au détrimant de la distribution de programmes et du contenu rédactionnel, ce qui ne le différencie pas beaucoup des autres sites de VPC dédiés à la musiques. Ce constat est effectué fin octobre 1999. Lacquisition et le transfert de savoir-faire étant rapides sur un secteur aussi dynamique, la situation peut évoluer rapidement. Actuellement, lavantage compétitif des programmes sur Internet ne peut pas être la qualité de laudio. Il est donc dautant plus nécessaire doffrir des services associés, ce qui nest quoptionnel en théorie pour le DAB. Se concentrer sur la vente de musique revient à oublier la partie rédactionnelle et loffre de contenu attendue par linternaute. Or, dans ce domaine, les groupes de media traditionnels et bien-sûr les radios ont une expertise valorisée par le consommateur et directement applicable à lInternet. Cette expertise est difficile à développer en interne par une société de commerce virtuel.
Bientôt, lélargissement et la baisse du coût de la bande passante permettra une diffusion audio de qualité. La diffusion daudio en qualité CD nécessite un flux de 64 Kbits minimum alors que les liaisons téléphoniques classiques ne permettent pas de se connecter à plus de 1 Kbit. Mais les techniques doptimisation de la transmission de données sur une bande passante réduite (compression) ont déjà permis de développer le webcasting. Les leaders sur ce marché seront ceux qui auront tiré le maximum davantages de cet ensemble de technologies pour créer une offre radicalement nouvelle à partir dune base de contenu commune aux différents canaux de diffusion de programmes. Ainsi, ils toucheront une audience nouvelle avec des coûts de production de contenu limités.
Cest la capacité des radios commerciales à utiliser ces technologies pour attirer une audience supplémentaire vers leurs programmes, puis leur habilité à transformer cette audience en source de revenu, qui feront émerger les leaders de ce marché.
Les radio diffuseurs ont comme atout de taille davoir déjà à leur disposition un programme de base qui draine de laudience et qui est source de contenu. Ce contenu est dailleurs sous-exploité. Les informations attachées aux titres diffusés sont souvent disponibles mais pas toujours diffusées. De même, une petite partie de la production de la rédaction peut être effectivement diffusée à lantenne. Mais tout ce contenu est déjà dans la base de donnée des radios et peut être développé, mis en forme et diffusé pour un coût marginal réduit. Des outils logiciels permettent en effet de réutiliser le contenu dune base de donnée pour mettre à jour automatiquement des pages Internet par création automatique de code HTML. Ils permettent aussi le codage dans différents formats dun programme de base et la diffusion simultanée déléments de programme de natures différentes, par exemple du texte, des images et de laudio, le tout synchronisé en tenant compte des durées de chargement côté récepteur.
La télévision possède elle aussi toutes les données, parfois numérisée, mais le programme de base est déjà une offre très complète face à laquelle le téléspectateur est volontairement passif ; il est donc difficile dy associer des données supplémentaires. En plus, la bande passante disponible actuellement ne permet pas aux chaînes de se lancer dans le webcasting dans de bonnes conditions : la qualité de limage est trop décevante par rapport à limage de télévision. La diffusion satellitaire permet cependant déjà de proposer des chaînes interactives qui constituent un concurrent sérieux sur le marché de la diffusion de programmes avec données associées.